Pourquoi j’ai été violée

Pourquoi j’ai été violée

6 ans de relation. Comment résumer ça en quelques lignes? L’idée est de partager le contexte de mon histoire. En effet, la complexité du viol conjugal vient sûrement du fait que cet acte de destruction naît au cœur d’une histoire d’amour.

Ici, je contextualise et vous partage mon histoire. C’est un témoignage qui vous permettra peut-être d’avoir des éléments de réponse par rapport à la vôtre.

Un début prometteur

Quand j’ai rencontré A., nous étions tous les 2 étudiants. Il avait été reçu dans une université bien notée, avec un programme imposant. Il travaillait dur pour réussir et occupait un petit job étudiant. J’admirais son ambition, son sérieux et sa capacité de travail. Il avait de la suite dans les idées et du plomb dans la tête. Il savait où il allait, pourquoi et comment parvenir à ses fins.
De plus, il avait de l’humour et aimait s’amuser. Il prônait des valeurs de respect envers les femmes et comme il me disait souvent “derrière chaque grand homme, se cache une femme.” Je savais cette phrase ambigüe mais je préférais voir le côté positif.
Moi j’étais plutôt heureuse après la période de tempête que j’avais traversé avec un ex qui était alcoolique, fainéant, menteur, voleur, adultérin et lâche. (Mais extrêmement beau, drôle, gentil et intelligent! Comme quoi…)

J’entrais dans une période de légèreté et de reconstruction. Je prenais soin de moi, j’aimais sortir avec des amis, je travaillais comme animatrice socioculturelle; j’étudiais, faisais du sport et j’avais perdu beaucoup de poids. Je me sentais bien dans mon corps, belle et me croyais libre dans ma tête.

De la manipulation pour obtenir gain de cause

Au départ, A et moi étions bien ensemble. Mais les choses sont allées très (trop) vite. J’ai mis le doigt dans un engrenage infernal. Financier notamment!

Régulièrement, il évoquait, d’un air agacé, un problème ou un besoin non satisfait, comme par exemple:

De toute façon, je serais bientôt à la rue, car j’ai plus de chambre universitaire dès fin août et j’ai des exam à réviser. Si je me prends la tête avec ça, je vais échouer… Mais bon… je sais pas comment je ferais mais je t’embêterai pas, t’as déjà tes choses à faire pendant tes vacances De toute façon, tu peux pas comprendre t’as tes parents qui t’aident, toi!”

Ou encore “Je pourrais pas finir mes études car j’ai pas d’argent pour payer la prochaine inscription à la fac… Il faudra peut-être que je vende quelques affaires mais je sais pas quoi car j’ai pas grand chose… Bref…”
Et il laissait ces phrases en suspend, sans rien demander. Il attendait tout simplement que je réagisse ensuite “de ma propre initiative”. Je sautais donc sur ces occasions pour lui prouver mon amour, ma sincérité et pour apaiser mon sentiment de culpabilité extrêmement présent, à cause de mon histoire familiale. Pour le soutenir, j’ai donc cassé mes comptes épargne et lui ai donné toutes mes économies.

(Sentiment de culpabilité qu’il connaissait très bien puisqu’on avait déjà évoqué le sujet ensemble, plusieurs fois.)

Mais il s’impliquait dans notre quotidien et était encourageant pour ma réussite du BTS. Il m’interdisait de laisser tomber lorsque c’en était trop pour moi. A. avait pris sur lui de me libérer l’esprit lors de mes examens en assumant l’ensemble des tâches ménagères, lors de la première année. J’ai cru que nous serions là l’un pour l’autre, mais…

J’assumais toutes les charges financières du couple. Par-contre, je ne voyais pas la couleur de l’argent qu’il gagnait avec ses petits boulots (il “devait” garder cet argent pour lui, car il avait des “besoins…”)

Je croyais aussi que ces sacrifices me seraient bénéfiques à terme, grâce à une situation professionnelle et financière confortables ensuite. En revanche, il ne me disait JAMAIS merci!

D’ailleurs, un jour il s’est félicité d’avoir réussi ses études “tout seul sans rien devoir à personne”. Je lui ai rappelé le soutien financier de sa famille, d’une de ses amies et le mien entre autres choses (on parle d’une dizaine de milliers d’euros!) Mais il m’a répondu que c’est parce qu’il avait su faire ce qu’il fallait pour ça, donc tout le mérite lui en revenait au final! (Et non, ça n’a pas suffit à me réveiller! J’avoue…)

Je devais “mériter” son amour

Au bout d’un an et demi de relation environ, nos disputes l’ont déçu et la magie est passée. Il s’est alors révélé tout autre. Il s’est désinvesti et s’est refermé comme une huître, sans explication. Il s’est désengagé sur tous les plans du quotidien et de la relation. Quand je tentais des explications, il me répondait généralement : “T’as qu’à comprendre par toi-même!”

Il ne formulait pas ses besoins, ni ses limites malgré mes demandes. Mais j’étais considérée comme coupable de ne pas y répondre favorablement.

Ses marques d’attention et de partage étaient soumises à condition et rares. Je devais me “montrer à la hauteur” et “être suffisamment gentille avec lui,” depuis suffisamment longtemps pour mériter telle ou telle “faveur” (m’accompagner dans un musée, par exemple).
Bien sûr, je n’y parvenais jamais. Ses reproches étaient déstabilisants et il inversait les situations et les rôles. Un jour, je n’étais pas assez docile, le lendemain, il n’avait jamais dit ça. J’étais perdue et je me perdais de plus en plus.
Un conflit se construit à deux bien sûr, mais je devenais incapable de comprendre ce qu’il attendait de moi. Je devenais maladroite et ne savais pas du tout comment m’adresser à lui de façon à rétablir une communication efficace. En admettant, que j’avais une chance d’y parvenir.

Et pour ne pas arranger les choses, il était adepte du stonewalling (= mur de pierre en anglais). Un jour, ma mère lui a expliqué que je ne pouvais pas supporter d’être ignorée. Ça n’a fait que renforcer son comportement. C’était pour moi insupportable.

Des caprices de “petite fille”

Il qualifiait mes demandes de “caprices de petite fille et sans importance.” Il répondait souvent: “mais qu’est-ce que ça changera à ta vie? ” Ou bien lorsque je me lassais de répéter mes attentes, je m’entendais dire: “Oui tu te répètes et alors, c’est quoi le problème? Et maintenant, tu vas faire quoi ?
Ça me sidérait complètement et je devenais incapable de me défendre. Comment expliquer le besoin d’être écoutée et prise en compte si ce n’est seulement dire “j’ai besoin d’être écoutée et prise en compte…?”
En revanche, il menaçait régulièrement de me quitter, s’il devait se répéter.
A lire d’un bloc, on peut se demander pourquoi je suis restée et je ne l’ai pas quitté. Il n’avait aucune gratitude, ni respect, alors pourquoi poursuivre? C’est sûr! Mais on parle d’un quotidien avec des moments de calme et de complicité qui maintiennent les sentiments et les espérances vivaces. Nous avions des goûts en commun, nous aimions nous amuser et sortir…
Et comme aucun couple n’est parfait, on s’accroche au rêve qu’il va tenir ses promesses de faire des efforts et de changer. Promesses tenues de moins en moins longtemps, jusqu’à ne plus être honorée du tout.

Pixabay

Une culpabilité géante et omniprésente

Mon sentiment de culpabilité a pris de plus en plus de place: j’avais toujours l’impression d’être une mégère insatiable!
Et quand je mettais en avant l’ensemble de ce que je faisais pour lui (gestion du quotidien, prise en charge financière de ses études, différentes surprises, petits cadeaux, etc) il me répondait du tac-au-tac: “mais je ne t’ai rien demandé! T’as fait ça toute seule de ta propre initiative, j’ai pas à te remercier pour ça!” Je comprenais que je n’en avais pas encore fait suffisamment, alors je me remettais en question et je redoublais d’efforts. Pourquoi?

Parce que j’ai grandi comme ça! Dans un contexte familial destructeur en terme de repères et d’estime/respect de soi. On m’a rendue coupable de tout et accordée aucune légitimité, donc j’étais dans la même continuité.

A. s’est même révolté au début, sur la façon dont j’ai été traitée par ma famille!
Les premiers mois, il ne supportait pas qu’on m’ignore ou qu’on feigne de ne pas m’entendre parler, par exemple. Il a finalement, mis en avant que si ma propre famille me maltraitait comme ça, c’est qu’elle devait sûrement avoir ses raisons.
Au fond de moi, j’étais convaincue qu’il avait raison. Je ne recevais certainement que ce que je méritais! Si les gens que j’aimais me malmenait, c’est que j’avais des choses à me reprocher.
Donc, la méchante, c’était moi! J’étais devenue intimement persuadée que j’étais source de son mal-être; je le faisais souffrir à travers mon insistance à faire part de mes besoins, de mes sentiments et de mes mécontentements incessants. Je le polluais.
Il était victime de mon caractère exécrable et je devais m’estimer heureuse qu’il veuille bien rester avec moi. Alors, il fallait que je redouble encore d’efforts pour être gentille et mériter son amour car j’étais en-dessous de tout! Par ma faute, il se sentait incompris et mésestimé. Ma résistance le faisait souffrir, je devais me racheter. Je l’avais émasculais, il fallait que je me rachète et que je le rassure. J’ai fini par ne plus m’appartenir…

image du site: https://www.psychologue.net/articles/se-defaire-dun-sentiment-de-culpabilite-permanent

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *